Le processus de colonisation et de dépossession engagé dès le départ par le projet sioniste se poursuit aujourd’hui : récupérer le maximum de terre de Palestine avec le moins de Palestiniens possible. Il prend des formes diverses selon que l’on se situe en Cisjordanie, à Gaza, sur le territoire d’Israël ou à Jérusalem-Est (enjeu essentiel). Mais c’est bien le même processus.
Israël essaye de donner une « légalité » à des pratiques contraire au droit international qui mettent en place des règles d’apartheid. Le projet de loi état-nation institutionnaliserait ces violations du droit international.
Les Palestiniens se retrouvent dans des situations géographiques, politiques, institutionnelles différentes ce qui rend difficile l’unité de la lutte pour la reconnaissance de leurs droits.
La société civile développe des actions de résistance non-violente, portées par la jeunesse qui représente 70% de la population. Des liens se créent entre les différents lieux. Mais comment ces initiatives se connecteront-elles avec la direction politique ? Se pose également la prise en compte des réfugiés palestiniens et leur droit au retour.
Les militants de la résistance populaire payent un prix fort parce qu’Israël viole le droit international en toute impunité. Il faudra qu’un jour Israël paye le prix de ses actions. Il faut pour cela que le droit international soit remis au cœur des relations internationales. Il y a des victoires ; sachons les valoriser. La France pourrait être un des pays promoteurs ; elle ne doit pas attendre que l’Union Européenne parle d’une seule voix mais créer des alliances de circonstance.
Elle peut être un acteur de stabilisation dans une région où les alliances évoluent en permanence. Les Palestiniens ne bénéficient pas d’appuis stables.
L’AFPS doit gagner la bataille de l’opinion publique, poursuivre ses pressions pour faire évoluer l’action diplomatique française et poursuivre la campagne BDS. Tous les intervenants l’ont dit : son rôle est essentiel !
Quatre jours d’interventions et de débats pour mieux comprendre la situation en Palestine
Voir le programme de l’Université d’été 2018 de l’AFPS
Samedi 7 juillet 2018
L’évolution de la société israélienne : Les partis politiques israéliens et leurs évolutions, Les lois liberticides et la transformation du projet national (loi fondamentale sur l’État nation du peuple juif). Quels espoirs du côté de la société civile et de la jeunesse ?
Regards croisés entre les deux intervenants :
Youssef Jabareen, Palestinien d’Israël, député à la Knesset (Liste unie)
Éléonore Merza-Bronstein, co-fondatrice de De-Colonizer, (ONG israélienne et centre de recherche alternatif)
Eléonore Merza-Bronstein et Youssef Jabareen ont dévoilé le projet de loi sur « l’Etat Nation Juif » qui annonce la constitutionnalisation d’un état d’apartheid.
• Ce projet de loi, c’est d’abord le droit à l’autodétermination réservée aux seuls juifs.
• C’est ensuite, la constitutionnalisation de fait des discriminations, c’est-à-dire la légalisation des pratiques discriminatoires déjà en vigueur.
• C’est aussi la suppression de l’arabe en tant que langue officielle.
• C’est la possibilité d’établir de nouvelles implantations urbaines sur la base des origines ethniques et religieuses.
Ces dispositions se rajouteront à la loi existante permettant de destituer un député accusé de « terrorisme », comme le sont tous ceux qui manifestent leur soutien au peuple de Palestine. Le caractère raciste de l’Etat d’Israël s’en trouve ouvertement revendiqué.
Sur le rapport à la Shoah, les paroles d’Eléonore Merza-Bronstein sont éclairantes : « en tant que juive, je suis choquée que l’on utilise la mémoire de ce qui est arrivé à ma famille durant la Shoah pour opprimer un peuple ».
Sur l’opposition parlementaire en Israël, Youssef Jabareen a informé l’assistance de l’existence, à la Knesset, de la liste unique (3ème force politique), qui agit avec les députés du Meretz et constitue, ainsi, un groupe de 18 députés sur 120, soit l’équivalent de 87 députés d’opposition sur 577 à l’Assemblée Nationale en France. Ceci pour rappeler que l’opposition à la politique de Netanyahou à la Knesset n’est pas négligeable. Au-delà du travail parlementaire classique, le rôle de ce groupe de parlementaires est d’organiser, sur le terrain, la lutte pour l‘égalité des droits et la fin de l’occupation et d’y participer activement.
Dimanche 8 juillet 2018
La planification israélienne et les mécanismes de la dépossession. Les lois et les conséquences de ces projets et plans sur les Palestiniens (déplacements de population, urbanisme, expropriations…
Nada Awad, Palestinienne, spécialiste en droits humains, Centre d’Action Communautaire de l’Université d’Al-Quds.
Regards croisés avec Youssef Jabareen et Eitan Bronstein (De-Colonizer).
Poursuivant le « plan D » d’expulsion mis en œuvre lors de la Nakba, Israël accélère le projet colonial sioniste qui était et est toujours d’obtenir le maximum de terres palestiniennes en les vidant de leur population. Il le fait sous une apparence de fonctionnement légal mais en réalité sa politique de zonages et de planification organise partout la discrimination.
Là où la population palestinienne est importante : limitation du droit de construire, plans directeurs non validés, refus ou délais excessifs pour les permis de construire ce qui amène à des constructions « illégales » donc menacées de destruction, foncier massivement réservé aux colonies et à leur surface d’extension, services municipaux très inégaux, hauteurs inégales de constructions autorisées. Dans le Negev : villages « non-reconnus » menacés de destruction, et d’expulsion des habitants. A Jérusalem-Est : impossibilité de regroupement familial, destructions punitives de logements de familles d’activistes …
Tout est bon pour « dépalestiniser » la Palestine.
Les forces organisées en Palestine
• Les institutions palestiniennes : forces et limites, devenirs possibles.
• Les partis politiques palestiniens et leur évolution.
• Place des ONG palestiniennes.
• Place des syndicats.
Taoufiq Tahani, Président d’honneur de l’AFPS
Il est des évidences pour tous : la division entre forces politiques palestiniennes est un facteur préjudiciable essentiel à cette cause, cette division est évidemment attisée et utilisée par le pouvoir israélien, mais elle traduit aussi la coupure qui s’est installée avec la société civile palestinienne qui ne se reconnaît souvent plus dans ceux qui sont censés les représenter.
Le mouvement de résistance populaire s’organise bien souvent en dehors des forces politiques, comme on l’a vu encore récemment : l’an dernier lors de l’installation, voulue par Israël, de caméras de contrôle à Jérusalem autour de la mosquée Al Aqsa, ou à Gaza lors des marches du retour de ces derniers mois.
La naissance d’Israël s’est inévitablement traduite par une guerre impliquant les pays arabes de la région et a donc immédiatement posée la question de la lutte armée. En même temps, la répression et l’existence d’une part importante de la population réfugiée à l’extérieur a posé inévitablement la question de la relation entre la population restée en Palestine et sa diaspora.
Il est bon de rappeler aujourd’hui, à propos de la question « un État ou deux États ? » que c’est dans les années 80 que l’OLP s’est ralliée, à la suite d’un soutien présupposé de l’Europe, à la solution de deux États. De même, l’Autorité Palestinienne, particulièrement mise en cause aujourd’hui, dans le domaine complexe de la coopération sécuritaire, ne devait exister que 5 années à la suite des accords d’Oslo, alors même que la Palestine ne survit que grâce à l’aide internationale alors qu’Israël semble incapable d’imaginer une autre voie que celle de la force.
L’intervention de Taoufiq Tahani a donné de nombreux éclairages et échanges sur l’organisation et l’histoire des institutions, partis politiques, organisations civiles et syndicales palestiniennes, autant de sujets souvent très mal connus et qui suscitent généralement beaucoup de questions.
La prise en compte des réfugiés dans les institutions et la stratégie palestinienne.
Rania Madi, consultante en plaidoyer juridique auprès des Nations Unies, à Badil, Centre de ressources pour les droits des résidents et réfugiés de Palestine.
Lundi 9 juillet 2018
La résistance populaire aujourd’hui : comment elle s’exprime dans les villages, comment elle s’organise dans de grands mouvements tels que la bataille pour Jérusalem du juillet 2017 et les Marches du retour d’avril-mai 2018.
Lema Nazeeh, président adjointe du Comité palestinien de coordination de la lutte populaire (PSCC)
La jeunesse palestinienne
Thomas Cantaloube, journaliste à MédiaPart
Organisation de la jeunesse à Gaza.
Interview d’un animateur des marches du retour Ahmed Alustath, Palestinien de Gaza, étudiant en France.
Lema Nazeeh a rappelé que les comités de résistance populaire (CRP) sont nés en 2003 dans les villages pour résister à la construction du Mur et à l’extension des colonies avec des manifestations hebdomadaires. Le Comité palestinien de coordination de la lutte populaire (PSCC) coordonne les CRP et travaille avec les autres organisations comme Stop the Wall, Youth againt settlements d’Hébron ou avec le Centre Tanweer de Naplouse. Ces organisations sont autonomes mais œuvrent dans le même sens. Elles se coordonnent également avec la plus officielle Commission de l’OLP contre le mur et la colonisation.
Après une première phase plutôt dans la réaction, le défis que relève la résistance populaire depuis 2011 est d’être aussi dans l’action : blocage de routes, intrusion dans les supermarchés des colonies mais aussi la construction en 2013 du village de toiles de Bal el Sham.
Après une période de ralentissement, les choses ont changé en Juillet 2017 avec la très forte mobilisation à Jérusalem et aussi depuis décembre contre les décisions de Trump. Les mobilisations ont été très puissantes mais la répression également avec les arrestations de Munther Amira, d’Ahed Tamimi et tant autres. La résistance populaire a été délibérément ciblés.
Même si la situation est très difficile, il faut savoir valoriser les victoires et la puissance des mobilisations comme à Kham al Ahma. Une lutte exemplaire ayant vu la mobilisation de tous avec l’appui des internationaux, des militants israéliens et des diplomates.
Ahmed Alustath, étudiant originaire de Gaza, a expliqué comment La grande marche du retour a été construite par les organisations de la société civile avec des comités représentant toutes les facettes de la populations (les femmes, les professeurs d’université, les jeunes...) Il a insisté sur la difficulté pour les jeunes de Gaza de construire leur vie et d’avoir des rêves dans un lieu rongé par le chômage et l’absence de perspectives politiques.
Faire échouer le plan de Trump, stopper le nettoyage ethnique, faire face à la répression, faire qu’Israël ait à rendre compte de ses actes : autant de défis pour la résistance populaire palestinienne qui doit concerner le plus grand nombre.
La Palestine dans son environnement géostratégique : quelle lecture peut être faite des tensions et risques de guerre au Moyen-Orient, du jeu des grandes puissances, de l’influence des acteurs régionaux sur les partis palestiniens ?
Didier Billion, Directeur adjoint de l’IRIS, spécialiste du Moyen-Orient et des politiques européennes dans ces régions.
Il y a un maintien de la centralité de la question palestinienne. Ce n’est pas parce que la question palestinienne sera résolue que tout sera réglé au Moyen Orient ; mais tant qu’elle ne le sera pas, il n’y aura pas de stabilité politique dans la région.
Le Moyen Orient est une région sismique : les alliances et partenariats se font et se défont en permanence. La question palestinienne reste centrale mais pour autant les Palestiniens n’ont pas d’alliés stables dans le monde arabe.
A juste titre, Israël se croit autorisé à tout. La région a besoin d’éléments stabilisateurs remettant le droit international comme base à la résolution des conflits. La France pourrait jouer ce rôle en ayant une politique étrangère claire et prospective, non alignée sur la position américaine et en créant des alliances de circonstances sans attendre que l’Union Européenne ne parle d’une seule voix. Il faut pour cela renforcer les actions de lobbying.
Mardi 10 juillet 2018
Les outils internationaux mobilisables pour la défense des droits des Palestiniens" (ONU, CPI, Convention de Genève, …)
Rania Madi, consultante en plaidoyer juridique auprès des Nations Unies, à Badil, Centre de ressources pour les droits des résidents et réfugiés de Palestine.
Les défis stratégiques pour le peuple palestinien ; la montée de la revendication de l’égalité citoyenne et de la revendication d’une solution à un seul État.
Débat de synthèse avec mise en évidence des pistes de travail et actions pour chaque thématique.